Avis de lecture
Courtes critiques de livres, assorties d'appréciations sur le niveau de difficulté des ouvrages .
Niveaux de difficulté |
Très accessible Accessible Exigeant N.B.: pour remédier au caractère formel de cette classification, on pourra proposer pour certains ouvrages des indications mixtes: "très accessible/accessible" ou "accessible/exigeant".
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Auteurs (ordre alphabétique) |
Rémi Brague [1] [2] [3] - Jean-François Braunstein [1] - Claude Bruaire [1] [2] [3] - G.K. Chesterton [1] - Jean-Louis Chrétien [1] - Laurent Dandrieu [1] - Chantal Delsol [1] - Rod Dreher [1] - David Engels [1] - Alain Finkielkraut [1] - Dominique Folscheid [1] [2] [3] - Nicloas Grimaldi [1] - Fabrice Hadjadj [1] - Pierre Hadot [1] - Hans Jonas [1] - Francis Kaplan [1] - Matthieu Lavagna [1] - Albert Memmi [1] - Marcelo Gullo Omodeo [1] - Robert Redeker [1] - Olivier Rey [1] [2] - Peggy Sastre [1] - Sénèque [1] - Léo Strauss [1] |
Hans Jonas, Le concept de Dieu après Auschwitz, trad. P. Ivernel, Paris, Rivages poche, 1994. Niveau de difficulté : accessible / exigeant Ce célèbre petit texte présente l'intérêt de soulever des questions essentielles, concernant ce qu'est Dieu à la fois en lui-même et dans ses rapports avec la création. Quant à sa façon d'examiner ces questions, et aux réponses qu'il leur apporte, il présente également un intérêt, mais d'un autre genre : celui d'exercer l'aptitude du lecteur à repérer les présupposés les plus discutables, les raisonnements approximatifs et les conclusions précipitées. La thèse principale soutenue ici est que Dieu n'est pas tout-puissant. A l'appui de cette thèse sont avancées deux raisons, qui ne sont pas sur le même plan. D'un côté, c'est un certain événement historique (Auschwitz) qui doit montrer l'impuissance de Dieu : si l'on admet que Dieu est bon, alors le fait qu'il n'ait pas empêché la survenue de cet événement montre, selon l'auteur, qu'il ne le pouvait pas. D'un autre côté, c'est le fait même d'être créateur qui est présenté comme ayant entraîné nécessairement, pour Dieu, un renoncement à la toute-puissance : créer impliquant, selon l'auteur, de se mettre dans la dépendance de la création, au point que l'existence et le devenir de celle-ci affectent le créateur en son être même, lui faisant perdre son absoluité éternelle et le précipitant dans le devenir et la vulnérabilité. La différence entre les deux arguments est que l'événement Auschwitz est censé être le signe, mais non pas la cause, de la supposée impuissance divine (ce n'est pas Auschwitz qui a rendu Dieu impuissant), alors que l'acte créateur considéré en lui-même est, pour sa part et selon l'auteur, la cause nécessaire de la non toute-puissance de Dieu (Dieu serait rendu impuissant par son propre acte créateur). Contrairement à ce que laisse entendre le titre du texte, ce n'est donc pas « après Auschwitz » que « le concept de Dieu » se trouve mis en question, car la raison pour laquelle il l'est tient à l'essence même de ce que signifie « créer », et n'a aucun rapport direct avec tel ou tel événement particulier survenu dans le monde créé. Les mêmes lignes, au mot près, eussent pu être écrites mille ans avant Auschwitz. Cela signifie que toute la valeur de l'argumentation dépend en vérité de la qualité de la compréhension de la notion de création, et par suite de ce que signifie être créateur ; or c'est précisément sur ce double point que l'ouvrage pèche – l'auteur le traitant avec une grande rapidité, et sans paraître en soupçonner la complexité. On laissera le lecteur en juger par lui-même, éventuellement par comparaison avec les réflexions de E. Lévinas et surtout de C. Bruaire sur cette notion. [Pour y contribuer, signalons notre ouvrage Nature et formes du don, Paris, L'Harmattan, 2000, et nos deux articles Le don de l'être, aperçu de la pensée de Claude Bruaire et Examen critique du jugement de Hegel sur la notion de création ex nihilo]. |
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