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Philosophie et science

   Pour nous autres, hommes modernes, science et philosophie étaient rivales : cette rivalité s’est dissoute pour disparaître dans la victoire de la science sur la philosophie. Seuls quelques attardés considèrent encore la philosophie comme une discipline vivante.

   Mais cette évidence est trop évidente, trop certaine pour ne pas être suspecte, c’est-à-dire tout simplement à examiner.

   En d’autres termes et pour préciser, ce qui paraît clair c’est que l’expression « connaissance scientifique » est un pléonasme. Les conséquences sont de taille, car alors il ne reste plus à la philosophie que l’éthique si on comprend celle-ci comme réflexion sur la morale, et l’épistémologie qui pourrait bien n’être qu’un doublet vulgarisateur de la science.

   Afin de tenter d’éclaircir cette difficile et centrale question nous allons examiner deux types de savoir, mathématique et physique, en les comparant à la philosophie.

   1. La mathématique est une discipline rigoureuse : proposition à laquelle tout le monde souscrira comme si on énonçait là une banalité. Pourtant on ne se demande pas en quoi consiste cette rigueur de la mathématique, rigueur que ne pourra jamais égaler la philosophie.

   Cette rigueur vient de ce que la mathématique élabore elle-même ses objets qui sont de nature idéelle. Ainsi le triangle, même si je le trace au tableau ou sur une feuille, n’est pas celui sur lequel je raisonne. La mathématique alors ne s’occupe, en quelque sorte, que du maniement de ces objets idéels sans d’ailleurs se soucier de savoir s’ils correspondent à une réalité extérieure : A = B s’écrit sans savoir ce que sont A, B, on dit seulement qu’ils sont égaux. La mathématique est un système d’opérations, d’opérations extérieures les unes aux autres puisqu’elles s’enchaînent comme ce qui est permis par des règles du jeu.

   La philosophie quant à elle et contrairement à la mathématique n’est pas libre de choisir ses prémisses et de décider des règles dont elle usera : la philosophie n’invente pas ses notions, elle part des idées communes qu’elle a la charge d’expliciter. Ainsi, par exemple, les notions de liberté, de justice. C’est pourquoi la philosophie ne peut se réduire à un jeu mental et débute nécessairement dans l’à peu près.

   Inutile comparaison donc ; ne faudrait-il pas alors se tourner du côté de la physique qui elle aussi, comme la philosophie, a affaire à du réel ?

   2. La physique : nous pensons que le physicien s’occupe de la nature et voilà qui paraît évident. Mais de quelle nature s’agit-il, car enfin n’importe quel objet, que ce soit la pierre qui tombe ou la feuille qui tombe dans le vent d’automne, cet objet, dans la perspective de la physique, tombe : « Oui tous les corps tombent, même ceux qui ne tombent pas ».

   Ainsi les événements toujours autres sur lesquels on ne peut rien sont, dans cette perspective, toujours les mêmes sur lesquels on peut beaucoup et c’est bien pourquoi le physicien peut prédire. La nature telle que l’envisage le physicien est réduite à un certain nombre de paramètres mathématiquement liés. Par nature la science se constitue par abstraction et c’est pourquoi fondamentalement celle-ci se divise en des sciences. Ainsi tout dans le monde peut être appréhendé scientifiquement sauf le monde comme tout. Nécessairement « régionale » et se rapprochant ainsi de l’idéal mathématique du « vase clos », la physique, comme toute science, se définit par son objet.

   La philosophie aurait-elle un objet ? Rien de ce qui est humain ne lui est étranger : son domaine, c’est la totalité qui ne se réduit pas à la somme des parties. Par là, elle est savoir de la totalité.

   Là encore nous pouvons conclure : physique et philosophie sont incomparables.

   3. La philosophie. Si la philosophie ne peut être comparée ni à la mathématique ni à la physique et surtout si ni l’une ni l’autre ne peuvent prétendre annuler le projet philosophique, la question se pose : qu’est-ce donc que la philosophie ? De quel savoir s’agit-il ?

   Son étymologie nous dit déjà ce qu'elle n'est pas. L'amour du savoir indique tout d'abord que nous ne l'avons pas, le savoir, c'est-à-dire qu'en tant que recherche nous sommes contre et au-delà de l'opinion.

   En reprenant et unifiant ce qui a été dégagé, on peut dire que la philosophie a à rendre compte de ce qui est dans la perspective de la totalité dans un discours vrai et universel, absolument cohérent.

Christian Ferron

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