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La persuasion
On pourrait distinguer la persuasion de ce qui n'est pas elle sur un terrain judiciaire : c'est au ministère public qu'il appartient d'emblée de présenter ses pièces à conviction qui vont être versées au dossier, et à charge. De son côté, le défenseur travaille sur un autre registre, qui est celui de la persuasion : par exemple, la probabilité serait en faveur de l'accusé, qui avait tout intérêt à faire oublier un passé tumultueux riche en séjours à l'ombre ; par exemple, il existe des milliers de personnes ayant la silhouette attestée par les témoins oculaires, etc. Première remarque : en ce domaine s'il existe des pièces dites "à conviction", il n'y a pas de pièces... à persuasion ; en tiennent plus ou moins lieu les témoignages dits de moralité.
Deuxième remarque : l'avocat est confronté à deux stratégies possibles :
L'alibi demeure ici l'argument suprême : je ne puis être en prison à Vesoul et
en même temps égorger quelqu'un à Saint-Mathieu à Perpignan. Dieu seul le peut,
et n'est pas motivé. Ainsi, l'on se trouve tenté d'opérer la dichotomie suivante
: Dichotomie, avons-nous dit ? Mais est-ce si sûr ? Ne peut-on persuader "pour la bonne cause" là où convaincre est impossible ? Et l'art de convaincre n'est-il donc jamais pollué par une persuasion clandestine ? Soit, par exemple, la rude tâche d'amener un collégien à étudier les mathématiques sérieusement et sans faire hurler de la "techno". Or le plaisir acoustique est dans l'instant, alors que la joie de briller au rang suprême en mathématiques est hypothétique et lointaine. Démontrer qu'il faut du temps au temps, et que la fonction éminente de professeur de mathématiques confère mille plaisirs, se révèle impossible, le travail de la raison ne peut opérer en ce domaine. On conviendra qu'il y a ici une "zone aveugle" où la persuasion a son rôle à jouer, peut-être par l'exemple muet de valeurs différentes de celles présentées en vitrine (TF1, M6...). De même, il arrive que la persuasion se présente masquée sous l'apparence du raisonnement. C'est
ainsi que le candidat à un poste électif peut croire bon d'en appeler à divers
arguments de clocher :
L'insigne faiblesse de cette argumentation la dissout elle-même d'emblée :
les questions de compétence et d'intégrité n'y sont pas abordées.
Ainsi, départager persuasion et art de convaincre, et remiser la première au
rayon de la seule mauvaise foi se révèle une tâche impossible.
Reprenons l'allusion aux assises ; en caricaturant à peine, on dira que partie
civile et défense ont un déficit commun : aucune des deux ne cherche la vérité,
celle des faits, ni celle qui se cache dans les replis des faits, chacun veut
avant tout "briller" à sa place ; le triomphe recherché n'est pas celui du bon
droit, mais bien d'un certain vedettariat. On
n'en a donc pas fini ; car chacun ne cherche-t-il pas à se persuader lui-même de
ce qu'il souhaite croire ?
M. F. |
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