Qu’est-ce que la mémoire ? Est-elle le propre de
l’homme ? La mémoire peut être simplement définie comme la conscience du
passé. Si la mémoire suppose la conscience, elle est peut-être en effet le
propre de l’homme. Car la “mémoire” d’un ordinateur est dépourvue de conscience,
tout autant qu’un livre d’histoire ou un journal intime. Qu’en est-il alors des
bêtes ? Qu’un chien se souvienne de l’odeur de son maître est indéniable. Mais
la mémoire n’est-elle qu’un simple enregistrement d’informations ? Il semble en
tout cas que l’homme et le chien n’aient pas le même rapport à leurs passés
respectifs : la mémoire humaine peut par exemple provoquer la fierté, la honte
ou la nostalgie…
Y a-t-il plusieurs sortes de mémoire ? Quel est le rôle de la
mémoire ? On peut par exemple distinguer la mémoire individuelle de la
mémoire collective. Et dans les deux cas, la mémoire semble jouer un rôle majeur
dans ce qu’on appelle l’identité. Savoir qui je suis, c’est au moins
savoir qui j’ai été. Et en oubliant une partie de son passé, celui qui a perdu
la mémoire (à cause par exemple d’une amnésie ou de la maladie d’Alzheimer) a en
un sens perdu une partie de ce qu’il est, de son identité individuelle.
La mémoire collective contribue souvent, elle, à définir une identité
collective (nationale, régionale, familiale…).
La mémoire est-elle fiable ? Ne nous y trompons pas : la
mémoire individuelle, comme la mémoire collective, est toujours sélective
: sur le plan individuel, des événements plus ou moins traumatisants de notre
enfance peuvent parfois être oubliés ou « refoulés ». La mémoire collective,
et notamment l’histoire, est plus “logiquement” sélective : ainsi la Résistance
durant la seconde guerre mondiale semble occuper une place plus importante dans
la mémoire collective française que la collaboration.
Mais alors, qu’est-ce qui est digne d’être mémorisé, et pourquoi ?
Y a-t-il un « devoir de mémoire » ? Beaucoup entendent justifier le « devoir
de mémoire » au nom de l’avenir : c’est pour ne pas reproduire dans le futur les
fautes du passé qu’il faut les garder en mémoire ; c’est ce qu’ont bien compris
les révisionnistes et surtout les négationnistes qui, par la falsification de
la mémoire collective, cherchent au fond à rendre possible le retour d’un
certain passé, une fois qu’il sera oublié. Il faut donc prendre garde
avant de répondre à une dernière question : que devons-nous oublier ?