Qu'est-ce que l'approche philosophique peut
apporter au débat actuel sur la laïcité ? Une clarification, un retour au
fondement et en conséquence de celles-ci une pacification.
Le mot laïcité vient du grec « laïcos » qui veut dire « du peuple
», par opposition à « clericos » : « du clergé ». La laïcité à donc un rapport
étroit avec les idées de démocratie et de république : elle consiste à faire du
peuple, du peuple tout entier, sans distinction, la référence unique des
institutions politiques. Elle est donc une autre façon de dire le principe
d'égalité des citoyens devant la loi, et au-delà des communautés politiques
particulières, elle est liée à l'affirmation de l'égalité de droit de tous les
êtres humains (il faut rappeler que les différentes lois religieuses accordent
des droits différents aux croyants et aux non croyants). Ce principe d'égalité
implique que l'Etat ne distingue pas les citoyens en fonction de leur croyance
ou appartenance religieuse, et donc qu'il ne soit, lui, lié à aucune institution
religieuse. Laïcité veut dire séparation des églises et de l'Etat.
Ce même principe de séparation fait de la laïcité la garantie de la
liberté de conscience : si le pouvoir politique ne reconnaît aucune croyance
c'est afin de préserver la liberté de croyance (et de non-croyance) en général.
Le principe de laïcité fait de la religion une affaire privée. Laïcité veut
aussi dire séparation des sphères privées et publiques. Elle indique à la fois
une limite et une fin au pouvoir : le respect de la liberté de conscience.
Cependant, certains évoqueront la liberté de conscience ou «
liberté religieuse » contre la laïcité, retournant ainsi celle-ci contre
elle-même. En effet, si la laïcité permet l'expression de toutes les croyances
alors elle ne saurait en interdire aucune, même celles dont le principe lui est
contraire. Rappelons d'abord que la liberté religieuse n'est pas un principe
religieux (en tous les cas, pas dans le cadre des monothéismes.) et qu'il est un
acquis de la laïcité. Celle-ci est liée à l'universalisme des Lumières et au
projet moderne d'émancipation des consciences individuelles par la raison. La
laïcité n'est donc pas une croyance opposée à d'autres croyances. Elle est
l'ensemble des conditions qui permettent l'exercice de la raison, c'est à dire
l'accès à l'universel. La principale de ces conditions est l'école, celle-ci
doit permettre aux élèves de distinguer entre le domaine de la croyance
(toujours subjective et relative) et celui du savoir (objectif mais toujours
soumis, en droit, à la critique rationnelle). La laïcité n'a de sens que dans et
par le projet de donner aux peuples toutes les conditions, les meilleurs, pour
accéder aux lumières de la raison.
Ce projet, qui constitue la modernité, va t-il à l'encontre de la «
spiritualité » dont les religions prétendent détenir l'exclusivité ? On l'a
longtemps pensé. Cependant, un des défis que la laïcité a aujourd'hui à relever
face au « retour du religieux » est de promouvoir une forme de spiritualité non
dogmatique conciliable avec la liberté de conscience.
D'autre part la laïcité implique du pouvoir qu'il ne gouverne pas
en fonction de la seule « opinion », mais qu'il fonde sa politique sur le
maximum d'objectivité possible. Ceci implique, par exemple, qu'on prenne les
décisions relativement au fameux voile, sur la base d'études objectives
(sociologiques) et pas en seule réponse à l'effervescence médiatique à partir de
cas particuliers.
La laïcité implique t-elle donc la neutralité absolue de l'Etat ?
Les réponses seront opposées selon qu'on se place dans le domaine privé ou dans
le domaine public et cela pour une seule et même raison. En effet, le respect de
la liberté de conscience commande à la fois la neutralité de l'Etat en ce qui
concerne les croyances de chacun et qu'il intervienne quand cette même liberté
est menacée dans l'espace public par tel ou tel comportement intolérant.