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Humanité et animalité

   Oui ou non, y a-t-il entre l’homme et l’animal une différence radicale, absolue ? Ou bien l’homme n’est-il qu’un animal un peu plus évolué que les autres ? A travers ces questions, nous cherchons si, en l’homme, se trouve « quelque chose » qui serait véritablement non-animal. Pour dépasser le stade des idées reçues et des « évidences » trompeuses, cette recherche devra tenter de préciser ce qu’il faut entendre par « animalité ». Car comment savoir si l’homme est ou non un animal, si nous ne savons pas au juste en quoi consiste l’animalité ? Sur ce point, l’obstacle classique et redoutable est l’anthropomorphisme (attitude qui consiste à concevoir tous les êtres sur le modèle de l’homme) : si l’on commence par attribuer des caractères humains à l’animal, il n’est pas étonnant que l’on conclue ensuite à l’animalité de l’homme.

   Plus généralement, pour que la comparaison (homme / animal) soit rigoureuse, il faut tenter de ne pas confondre la simple analogie (ressemblance superficielle qui masque une différence profonde) avec l’identité véritable (qui, de son côté, peut être masquée par des différences superficielles). Ainsi par exemple, à propos du langage : les animaux (ex : l’abeille, la baleine, etc.) peuvent échanger certaines informations, au moyen de signes ; l’on en conclut que l’animal possède le langage, comme l’homme. Mais n’est-ce pas aller beaucoup trop vite ? Si l’on se souvient des réflexions déjà menées à propos du dialogue, on ne manquera pas d’y regarder de plus près, en soulevant au moins deux questions : 1) celle du statut de l’autre : est-il vraiment un interlocuteur, c’est-à-dire quelqu’un dont la pensée sollicite une écoute ? Ou bien est-il l’émetteur d’un signal que l’on réceptionne ? 2) la question du contenu de ce qui est exprimé ou « communiqué » : se communiquer des « informations » et dialoguer, est-ce la même chose ? D’un côté, un organisme signale à un autre organisme qu’il a faim, ou qu’il a envie de se reproduire : c’est la manifestation d’un fait ; d’un autre côté, deux êtres discutent ensemble du but à donner à leur existence : c’est une interrogation sur le sens ; entre les deux « communications », n’y a-t-il pas un abîme ?

   Enfin, on ne peut évidemment pas oublier que l’homme a un corps. Il lui faut manger, dormir, se reproduire : en cela, sa parenté avec l’animal saute aux yeux. Mais là encore, les choses ne sont sans doute pas si simples, au moins pour deux raisons : 1) Si certains besoins sont communs aux hommes et aux animaux, la manière de les satisfaire n’est pas la même dans les deux cas : comme l’animal, l’homme doit manger et se reproduire, mais il ne mange pas et ne se reproduit pas comme l’animal ; l’homme n’accepte de satisfaire ses besoins physiques que si certaines conditions d’un autre ordre (esthétiques, morales) sont remplies. 2) De multiples manières, l’homme exige donc infiniment plus que ce que son corps lui réclame. Par exemple, la recherche du beau, du vrai et du juste est essentielle pour l’homme, alors que, du point de vue de l’organisme et de ses besoins, elle est tout à fait superflue (c’est pourquoi l’animal l’ignore superbement). Pour finir, remarquons que cet écart par rapport aux besoins physiques existe, chez l’homme, pour le meilleur et pour le pire : l’homme est capable de sublimes élévations spirituelles, mais aussi de violences et d’atrocités absolument inconnues du monde animal (torture, viol, plaisir à voir souffrir l’autre...). Mais paradoxalement, de tels comportements confirment la distance infinie qui sépare l’homme de l’animal : car seul un être ne se limitant pas à sa dimension physique peut connaître de telles dérives. Même sous son pire aspect, l’homme ne rejoint pas l’animal : il ne devient pas « bestial », comme on le dit parfois à tort, mais inhumain, ce qui est tout autre chose (l’animal, de son côté, ne peut pas devenir « inanimal »).

   Pour lancer la discussion, on peut donc avancer cette thèse apparemment provocatrice : il n’y a rien d’animal en l’homme.

GR

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