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L'autorité

   Dès qu’il y a autorité, et même dès que le mot est employé, il y a suspicion car c’est immédiatement l’idée de force, de rapports de force qui surgit. Là où l’autorité se manifeste il y a un dominant et un dominé, tout le monde souhaitant alors occuper la place du dominant ! De l’autorité naturelle aux autorités humant bon leur pointe d’autoritarisme, toutes ces formes produisent fascination et répulsion. L’autorité fascine car elle induit ordre et discipline, la répulsion venant de ce l’on ne peut pas l’envisager autrement que violente. Ce qui est fascinant ici, c’est que la notion même d’autorité semble claire, allant de soi ; et bizarrement la première définition qui  vient à l’esprit est une « définition » négative : « Ni Dieu, ni maître ».
   Cette définition n’est qu’apparemment  satisfaisante car d’une part, ce n’est pas une véritable définition et d’autre part, elle ne nous dit rien sur le Dieu rejeté et le maître nié. C’est pourquoi il semble judicieux de confronter l’autorité avec un des termes avec lequel elle est trop souvent confondue, afin d’en préciser la nature.
   L’autorité contraint, c’est vrai, mais de là on « déduit » que l’autorité et la contrainte sont de même nature, et c’est faux. En effet, être contraint, c’est être conduit à faire ce qu’impose celui qui contraint. Ce que vise la contrainte c’est la soumission. Ainsi le plus bel exemple, c’est celui du dressage : le dresseur soumet le dressé à ce qu’il a décidé pour lui. Dans le cas de l’animal cela peut apparaître comme un progrès puisqu’à la détermination naturelle l’animal substitue une détermination où se manifeste, si on peut le dire ainsi , le coup de patte humain. Dans le cas de l’homme, la contrainte est avilissante puisque le « dresseur » ne fait rien d’autre que nier l’humanité de l’homme qu’il soumet, c’est-à-dire nier l’homme libre qu’il est : nous sommes ici en présence d’un maître et de son esclave, et de ce maître là on peut aisément comprendre que l’on n’en veuille pas. Il faut également noter que la contrainte ne peut se manifester que de manière ostensible, même si cela peut prendre des formes plus ou moins subtiles. L’autorité n’a nullement besoin de cette dimension, et la preuve en est donnée clairement dans l’ordre politique comme dans l’ordre éducatif : lorsqu’on a recours à la force, on avoue l’échec de l’autorité. Qu’indique cet échec ? Que nous montre-t-il ? Tout d’abord et avant tout que l’autorité et la contrainte ne peuvent être assimilées : l’autorité tient son pouvoir d’elle-même et sa reconnaissance va de soi. Mais il faut ici être précis, car l’autorité s’incarne toujours dans des êtres particuliers, et il ne faudrait pas croire que ces individus décrètent arbitrairement qu’ils sont investis de l’autorité ; très exactement, ils en sont les ministres. Nul ne se donne l’autorité, elle est reconnue et cette reconnaissance m’oblige. Cette obligation est obéissance et dans le même temps, consentement silencieux à cette obéissance. La figure du maître qui se dessine alors n’a rien à voir avec le maître de l’esclave. Ce dernier ne peut faire autrement que de revendiquer l’autorité dont il se dit être le détenteur et il ne cesse de le rappeler à ceux, qu’en fait, il veut soumettre. Le maître véritable n’est pas pour lui-même, maître : il est celui dont la reconnaissance de l’autorité est la plus claire. C’est ce qui permet de rendre compte de cette dimension qui semble, bien souvent, suspecte et qui pourtant se comprend bien et qu’on appelle rayonnement. Socrate n’en est-il pas l’une des plus belles figures ? Et si on se demande quelle est donc l’autorité que Socrate reconnaît, c’est tout simplement l’autorité du dialogue. Dans le dialogue, si Socrate est un maître, c’est que celui à qui il s’adresse est un égal ; et si dissymétrie il y a, celle-ci n’est pas ailleurs que dans le rapport plus ou moins clairvoyant que chacun entretient avec ce qui fait autorité, en l’occurrence ici, le dialogue. Pour être conséquent, il faudrait procéder à une analyse similaire en ce qui concerne Dieu, c’est à dire une analyse qui nous conduirait à voir en Dieu une autorité d’un autre ordre que celle qu’on y voit immédiatement.
   L’autorité est exigeante, peut être est-ce pour cela qu'on ne veut plus en entendre parler, et qu’on souhaite en proclamer la fin. Le risque est grand alors de se soumettre à ce que nous ne pourrions contester tant nous serions pris par l’immédiat.    

C.F

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