Retour à l'accueil - Atelier philosophique - Le don - Sentences, aphorismes et brèves remarques - Lectures - Visages de la pensée - Liens et contacts
Retour au menu Textes & Articles | Retour au site A vrai dire
Thomas d'Aquin féministe ? À propos d’un livre de Catherine Capelle [1] Ce texte est la version revue et corrigée sur des points de détail d’un article paru en décembre 1991 dans les Cahiers philosophiques N° 49 CNDP Paris.
Thomas d’Aquin féministe ? Qu’on ne s’y méprenne point : en dépit du titre, un brin provocateur, et nonobstant l’inévitable anachronisme de l’épithète dont le Docteur angélique se trouve ainsi affublé, ce n’est pas un pamphlet que les éditions Vrin ont choisi de publier et les pages qu’abrite leur austère couverture grise ne sacrifient aucunement au genre polémique. Tout à l’inverse, elles traitent philosophiquement de questions qui ne sont ordinairement abordées que sous l’angle de la controverse et de la superficialité journalistique, c’est-à-dire dans l’ignorance des textes, des enjeux et des raisons. Qui ne sait par exemple, ou ne croit savoir, qu’aux yeux de saint Thomas la femme est un être incomplet, inachevé, une mineure dont l’infériorité justifie qu’elle subisse le gouvernement de l’homme ? Le propos de Catherine Capelle n’est pas d’atténuer la portée des textes qu’on invoque pour taxer saint Thomas de misogynie, ni d’en brandir d’autres en sens contraire, mais de rendre raison des uns et des autres en les rapportant à leur origine, plus précisément à leurs origines respectives. Là est en effet le fond du problème : saint Thomas est l’héritier d’une double tradition, celle de la raison grecque et celle de la révélation chrétienne, dont il a réalisé la monumentale synthèse. Philosophe et théologien, aristotélicien et chrétien, il a assumé le poids de ces deux traditions en s’efforçant de les concilier dans l’unité d’un système. Si son effort n’a pas pleinement abouti, c’est que ces deux traditions n’étaient pas toujours compatibles et que sur certains points elles étaient même franchement contradictoires [2]. Voilà ce que met en évidence le livre de Catherine Capelle, sur une question apparemment secondaire, secondaire en tout cas aux yeux de saint Thomas qui ne lui a consacré aucune exposition systématique, mais pas insignifiante, celle de la femme. Car en saint Thomas, le chrétien ne tient pas au sujet de celle-ci le même discours que l’aristotélicien, le métaphysicien ne parle pas comme le physicien, le théologien et l’exégète contredisent l’héritier de la philosophie de la nature du Stagirite. Ce sont ces divergences et ces contradictions que Catherine Capelle élucide en indiquant la filiation qui relie les thèses de saint Thomas sur la femme à leurs sources, aristotélicienne ou chrétienne. Ce travail d’élucidation n’est pas seulement éclairant à l’égard de l’objet qu’il vise explicitement, mais, à travers lui, il contribue plus largement à éclairer les rapports de la philosophie et du christianisme, à éclairer par conséquent toute l’histoire de la philosophie occidentale qui résulte de leur rencontre. Telle est la raison pour laquelle cet ouvrage d’une théologienne mérite de retenir l’attention des philosophes, tel est l’esprit dans lequel nous nous proposons d’en entreprendre la lecture.
I – Ontologie de la femme Dans la philosophie thomiste de la femme, il importe de distinguer la physique et la métaphysique. Particulièrement éclairante est en effet la comparaison effectuée par Catherine Capelle entre le commentaire thomiste de la Métaphysique d’Aristote et les questions de la Somme théologique où le discours de saint Thomas sur la différence sexuelle est inspiré par la physique aristotélicienne de la génération : ici l’on trouve la racine de l’ « antiféminisme » de l’Aquinate, là un fondement théorique de l’égalité des sexes. Etudiant les différences entre
les êtres au livre X de son Commentaire sur la Métaphysique d’Aristote[3],
saint Thomas observe en effet que si les différences spécifiques sont des
contraires, tous les contraires ne sont pas des différences spécifiques. Qu’en
est-il alors du masculin et du féminin ? La contrariété de l’homme et de la
femme au sein de l’espèce humaine, et plus fondamentalement celle du mâle et de
la femelle au sein du genre animal, est-elle ou non constitutive d’une
différence spécifique ? Répondre positivement à cette question revient à nier
que l’homme et la femme participent de la même essence puisque la différence
spécifique est la différence essentielle, celle qui affecte l’essence
elle-même : ajoutée au genre, elle constitue l’espèce et la distingue de toutes
les espèces du même genre.
II – Théologie de la femme Le clivage qui scinde en saint
Thomas lui-même le physicien et le métaphysicien réapparaît lorsque la question
de la femme est envisagée dans l’horizon des problèmes posés par la théologie ;
mais là, il se redouble d’un conflit qui oppose l’héritier de la révélation
chrétienne à celui de la physique aristotélicienne : on verra alors le
métaphysicien et l’exégète faire « front commun », si l’on ose dire, contre le
naturaliste. 1 – La création de la femme Le problème de la
création de la femme est posé dans la Somme théologique en des termes
explicitement dérivés de la physique aristotélicienne. En effet, l’article 1 de
la question 92 de la Prima pars demande si la production des choses
devait comporter celle de la femme, question à laquelle la première objection
suggère une réponse négative en citant la fameuse formule du Philosophe selon
laquelle « la femelle est un mâle manqué produit par le hasard »[6].
Comment admettre alors que la première institution des choses comportât quoi que
ce fût de manqué ou de défectueux ? En sens contraire est invoquée la parole de
Dieu dans la Genèse : « il n’est pas bon que l’homme soit seul : donnons lui une
aide semblable à lui »[7].
2 – L’image et la gloire La notion de
création, paradigme de toute causalité, renvoie à celle de similitude en vertu
du principe selon lequel il doit y avoir dans l’effet quelque chose de semblable
à ce qui se trouve dans sa cause : « omne agens agit sibi simile ». Ce
n’est pas seulement un principe ontologique, c’est aussi un enseignement
théologique, celui du premier chapitre de la Genèse : Dieu crée l’homme à
son image et à sa ressemblance. A son image, et pas seulement à sa ressemblance
car toutes les créatures ressemblent à leur créateur sous un rapport ou sous un
autre. Ainsi tous les êtres sont similitudes de Dieu en tant qu’ils sont ;
certains en tant qu’ils vivent ; d’autres enfin « en tant qu’ils sont
intelligence et sagesse »[15]
et seuls ces derniers dont la ressemblance à Dieu est spécifique, non générique
ou accidentelle, sont à proprement parler à l’image de Dieu car la ressemblance
spécifique est prise de la différence ultime. Celle-ci réside dans
l’intelligence, et c’est pourquoi seules les créatures intellectuelles sont à
l’image de Dieu. Seules les créatures intellectuelles, mais toutes les créatures
intellectuelles : « la créature intellectuelle est seule image de Dieu au sens
propre, mais elle l’est dans toutes ses individus »[16].
Le sexe ne peut introduire aucune discrimination sur ce point puisque pour saint
Thomas, on l’a vu plus haut, la différenciation sexuelle dérive de la matière,
non de la forme, et que celle-ci est identique chez l’homme et chez la femme.
C’est ce que confirme explicitement l’article 4 de la question 93 de la Prima
pars : « si l’on considère la réalité dans laquelle réside principalement la
qualité d’image, à savoir la nature intellectuelle, l’image de Dieu se trouve
aussi bien chez la femme que chez l’homme »[17].
Quant à l’article 6 de cette même question, après avoir insisté sur la
spiritualité de l’être humain afin de montrer que lui seul est semblable à Dieu
par mode d’image, tandis que les autres créatures ne lui ressemblent que par
mode de vestige, il s’appuie sur le texte de la Genèse pour établir que
cette spiritualité, empreinte du créateur dans la créature, est commune aux deux
sexes : « aussi faut-il dire que si l’Écriture, après avoir dit : « à l’image de
Dieu il le créa », ajoute : « homme et femme il les créa », ce n’est pas pour
l’inviter à découvrir l’image de Dieu dans la distinction des sexes, mais parce
que l’image de Dieu est commune à l’un et l’autre sexe, puisqu’elle se réalise
au niveau de l’âme spirituelle dans laquelle il n’y a pas de distinction des
sexes »[18].
Telle est la leçon qui se laisse tirer de la réflexion thomiste sur l’image et la gloire : il y a une égalité qu’on peut dire « fondamentale » de l’homme et de la femme, puisqu’elle se situe sur le plan ontologique, tandis que leur inégalité n’est que sociologique et historique, donc contingente et temporaire.
III – Éthique de la femme
Assurément saint Thomas n’est-il pas avant tout un moraliste, encore moins un moraliste prioritairement préoccupé des questions relatives à l’éthique conjugale : le traité du mariage qui figure dans le Supplément à la Somme théologique n’est, du reste, pas de lui. On est par ailleurs en droit de considérer qu’un moine du XIIIème siècle n’était pas des mieux placés pour disserter sur l’état conjugal, mais on aurait tort d’en conclure à l’inévitable misogynie de saint Thomas et plus encore d’imputer cette misogynie à son appartenance d’Église. Là encore, l’analyse que Catherine Capelle fait des textes où l’Aquinate aborde la question de la femme dans une perspective éthique permet de discerner ce qui dans son propos trouve son origine dans le christianisme et ce qui plonge ses racines dans la physique d’Aristote et, par delà cette physique, dans la civilisation grecque. 1 – Le lien conjugal : le consentement, la dette et la soumission Au terme d’un essai
consacré à la vie sexuelle dans l’ancienne société
[30], M. Jean-Louis
Flandrin dresse le constat d’une divergence dans cette société entre les
mentalités et la constante doctrine de l’Église sur la question de l’égalité des
sexes. Pour en rendre compte, il formule l’hypothèse selon laquelle « l’égalité
entre l’homme et la femme en matière de sexualité est une invention chrétienne
qui contredisait les idées traditionnellement admises dans le monde occidental
et n’a d’ailleurs jamais pu s’y imposer avant une époque toute récente »[31].
Le droit antique en effet, à l’exception notable du droit égyptien manifestement
resté sans influence sur l’Occident, consacre l’infériorité de la femme.
L’Athénienne de l’époque classique, par exemple, est une éternelle mineure
juridique, toujours soumise à l’autorité d’un κύριος , son père, son
mari, ou même son fils lorsqu’elle est veuve. Le mariage est toujours un contrat
passé entre ce tuteur et le futur époux. Le droit romain lui est plus favorable
mais, jusqu’à une époque tardive, le mariage restera en Occident un acte privé,
une affaire de famille où seul est requis le consentement des parents, non celui
des futurs époux. C’est dans ce contexte qu’il convient d’apprécier l’insistance
avec laquelle saint Thomas, dans le Commentaire des sentences de Pierre
Lombard
[32], fait de la liberté du consentement mutuel des époux la
condition de la validité du mariage : cette liberté du consentement, intention
intérieure exprimée au présent par des paroles audibles, est aussi nécessaire
pour l’un et l’autre sexe, ce qui tout à la fois présuppose et consacre leur
égalité fondamentale. Ainsi est fermement posé le principe théorique auquel
correspondra historiquement un profond changement des mentalités dont Philippe
Ariès nous dit qu’il s’est produit entre les XIVème et XVIème siècles et dont
le glissement de sens de la « dextrarum junctio » porte le témoignage, le
geste par lequel le prêtre met la main de chaque futur époux dans celle de
l’autre cessant de signifier la « traditio puellae » pour exprimer
désormais « l’engagement réciproque des époux, leur donation mutuelle »[33].
2 – La rupture du lien conjugal a – L’adultère L’exigence de
réciprocité ne concerne pas seulement l’instauration du lien conjugal, mais
aussi sa conservation : pas seulement le consentement, mais aussi la fidélité.
Sans doute celle-ci est-elle déjà pensée comme une valeur dans la civilisation
païenne où l’adultère fait l’objet d’une réprobation morale autant qu’il
entraîne des sanctions pénales ; mais ces sanctions comme cette réprobation se
fondent sur une représentation profondément dissymétrique de ce qui est attendu
de l’homme et de ce qui est exigé de la femme. Ce n’est pas seulement que
l’adultère masculin est moins sévèrement jugé que l’adultère féminin : c’est que
le blâme qu’il suscite découle de principes différents. D’une part le mari, s’il
a l’obligation d’avoir des rapports sexuels avec sa femme (au moins trois fois
par mois selon une loi de Solon), n’est pas tenu de n’en avoir qu’avec elle : la
loi ne lui interdit de jouir ni du jeune garçon, ni de l’esclave, ni de la
courtisane, ni de la concubine. Elle lui interdit en revanche de suborner une
femme mariée. Mais pourquoi ? Parce qu’elle appartient à un autre vis-à-vis
duquel l’adultère le rendrait coupable de vol. Ce qui est répréhensible, c’est
l’atteinte au droit du mari considéré comme propriétaire. C’est pourquoi un
athénien pouvait être moins gravement puni pou un viol que pour une séduction
délibérée : selon l’expression de Michel Foucault, « le violeur ne s’en prend
qu’au corps de la femme ; le séducteur à la puissance du mari »[39].
Inversement, si la femme athénienne est astreinte à une pratique sexuelle
strictement conjugale, c’est en vertu du droit que son statut juridico-social
confère à son mari, non parce que son adultère attenterait au droit d’une autre
femme. Bref, si la femme appartient au mari, le mari, lui, n’appartient qu’à
lui-même. b – Le divorce Si l’adultère
constitue la rupture morale du mariage, le divorce en est l’annulation
juridique. On sait qu’à cet égard le modèle de mariage le plus répandu partout
en Orient et jusqu’à une époque tardive en Occident est celui qui autorise la
répudiation unilatérale de la femme par l’homme, que la raison invoquée en soit
l’adultère, la stérilité, ou même sans qu’il soit nécessaire de fournir une
raison, comme dans le droit babylonien selon le code de Hammourabi. *** Le lecteur de Catherine Capelle, surtout s’il n’est familiarisé ni avec la théologie, ni avec la pensée de Thomas d’Aquin, fera bien d’autres découvertes. « Dieu est belle, elle est noire », proclament aujourd’hui, de façon joyeusement provocatrice, des théologiennes féministes américaines. Croit-on que saint Thomas en eût été choqué, lui pour qui la masculinité du Christ n’était pas indispensable pour que l’humanité assumée par lui fût authentique ? En effet si le sexe féminin ne convenait pas à l’incarnation, ce n’est pas en vertu d’une imperfection naturelle ou ontologique de la féminité, mais pour des raisons d’ordre social : le Christ, explique saint Thomas dans le Commentaires des sentences, venait comme docteur, comme recteur et comme défenseur du genre humain, trois fonctions qui, dans la civilisation judaïque de son temps, ne pouvaient pas être remplies par une femme. C’est dire que, dans un autre contexte social, rien ne se fût opposé à ce que Dieu prît chair non seulement d’une femme, mais de femme. De même, la théologie mariale de Thomas implique la parfaite égalité de l’homme et de la femme. Il n’est pour s’en convaincre que de mettre en rapport ces deux propositions de la mariologie thomiste : 1 – La nature de Marie est celle de toute femme ; 2 – Marie représente intégralement l’humanité. D’une part, en effet, la nature de Marie n’est pas exceptionnelle. La remarque est d’importance car l’argument fréquemment invoqué pour laver le christianisme de tout soupçon de misogynie, savoir le culte par lui rendu à la Vierge, serait inopérant si ce culte lui était rendu en vertu d’une grâce qui la distinguerait ontologiquement des autres femmes : la grâce élève la nature féminine de Marie, mais ne l’altère pas. Encore moins est-elle dispensée à une nature autre. D’autre part, Marie représente l’humanité en un sens qui excède le symbolisme des épousailles entre Dieu et son peuple : en effet, si le Christ est à la fois vrai homme et vrai Dieu, comme le veut le dogme et comme le proclama si fermement le concile de Chalcédoine, c’est de Marie et d’elle seule qu’il tient son humanité. Il faut donc que la nature de Marie – et par-delà elle, celle de toute femme – soit la nature intégrale de l’humanité. L’intérêt du livre de Catherine Capelle n’est pas seulement de surprendre le lecteur et de mettre à mal certains de ses préjugés. En ramenant le « féminisme » et l’ « antiféminisme » de saint Thomas à leurs sources respectives, il permet aussi de lier sa modernité à une ontologie, c’est-à-dire à une connaissance fondamentale, et son archaïsme à une physique, c’est-à-dire à une connaissance historiquement située, appelée par conséquent à être dépassée. De plus, en faisant la part dans le discours de saint Thomas de ce qui concerne l’être de la femme et de ce qui se rapporte à son agir, donc aux conditions sociales et historiques de la réalisation de son être, il permet de discerner ce qui de ce discours conserve une valeur permanente et ce qui peut être considéré comme le témoignage purement sociologique d’un temps révolu. Enfin, en différenciant dans la pensée thomiste de la femme la source hellénique et la source biblique, principalement néo-testamentaire, il nous rappelle tout ce que notre histoire doit à la révolution par laquelle le christianisme introduisit dans la pensée occidentale l’affirmation de la liberté, de l’égalité et de la fraternité de tous les hommes. C’est d’une seule phrase que déjà saint Paul abolissait la servitude et ce que l’on appellerait aujourd’hui la « féminitude » : « il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car vous êtes tous un en Jésus-Christ »[52]. Ainsi l’égalité de la femme et de l’homme s’inscrit-elle originellement dans le cadre de l’égalité de tous les hommes ; de même, la liberté de la femme, exigée et reconnue à travers le consentement, s’inscrit-elle dans celui de la liberté enfin reconnue à l’homme en tant qu’homme, donc à tous les hommes, comme l’a si bien vu Hegel : « les Grecs, tout comme les Romains savaient seulement que quelques-uns sont libres, non l’homme en tant que tel. Cela Platon et Aristote l’ignoraient (…). Ce sont les nations germaniques qui, les premières, sont arrivées, par le christianisme, à la conscience que l’homme en tant qu’homme est libre, que la liberté spirituelle constitue vraiment sa nature propre »[53]. Sans doute fallut-il bien du temps et bien de la peine pour que cet héritage fût transmis et ce n’est pas un mince paradoxe si les hommes qui s’en firent les notaires devant l’Histoire ne se savaient ni ne se voulaient chrétiens, mais plutôt Grecs ou Romains ; ce n’est pas un mince paradoxe, ou c’est une étrange ruse de la raison, s’ils allèrent chercher des modèles de liberté, d’égalité et de fraternité dans des sociétés esclavagistes, aristocratiques et misogynes. En vertu du même paradoxe, la plupart de ceux et de celles qui luttent aujourd’hui pour que l’égalité des femmes et des hommes soit universellement reconnue et concrètement réalisée tiennent pour adverse une pensée à laquelle ils doivent le meilleur de leur inspiration. Puisse le livre de Catherine Capelle leur rendre la mémoire de cette dette. André Perrin
(Adresser un commentaire : gilrich@wanadoo.fr) [1] Catherine Capelle, Thomas d’Aquin féministe ? Paris, Vrin,1982. [2] Sur un autre aspect de ces difficultés, cf. notre article L’âme et le corps Cahiers philosophiques N° 53 Décembre 1992. [3] Thomas d'Aquin, In Metaphysicam Aristotelis Commentaria, Lib. X, lectio XI, Ed. Marietti n°2127 sq. cit. in C. Capelle op. cit. p. 43. [4] Cela ne signifie évidemment pas que la féminité n’est rien : il y a une essence des accidents puisqu’ils sont des « étants », quoique à un autre titre et à un moindre degré que les substances. [5] Thomas d'Aquin, Somme théologique, Ia qu. 118, art. 1, ad 4 m. Le passage d’Aristote cité est II De Gen. Anim. 11, IV (740 b 24) [6] Ibid qu. 92 art. 1, ad. 1 m. Le passage d’Aristote cité est II De. Gen. Anim. III 737 a 27. [7] Ibid. sed contra. cf Genèse II, 18. [8] Ibid. Respondeo. [9] Ibid. [10] Catherine Capelle, op.cit. p. 52. [11] Hellénique et non médiévale : au XIIIème siècle, les femmes exercent de nombreux métiers et participent activement à la vie économique. Cf C. Capelle op.cit. p. 17. Cf également Régine Pernoud La femme au temps des cathédrales, Paris, Stock, 1980, en particulier 2ème partie, chapitre 7, pp. 193-214. [12] Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia Iae qu. 92, art. 3, Respondeo. [13] Catherine Capelle, op.cit. p. 55. [14] Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia Iae, qu. 92, art. 3,Respondeo. [15] Ibid qu. 93 art.2. Respondeo. [16] Id. Sent. dist. 16 qu. 1, art. 2, ad. 5 m. Cit. in C. Capelle op. cit. p. 112. [17] Id. Somme théologique, Ia Iae, qu.93, art. 4,ad. 1 m. [18] Ibid. art. 6 ad 2 m. [19] Ibid. art. 4 ad 1 m. [20] Id. Sent. Dist. 16 qu.1, art. 3. Cit. in C. Capelle op.cit. p. 113. [21] Catherine Capelle, op.cit. p. 113. [22] Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia Iae, qu. 93, art. 4 ,ad. 1 m. [23] Ibid. [24] Somme théologique, Editions du Cerf, Paris 1984 Tome 1, p. 797. [25] I Corinthiens, XI, 3. [26] C’est la quatrième raison que Thomas avait invoquée pour rendre compte de la première hiérarchisation : « Christ est le chef de tout homme ». [27] Genèse II, 18. Cf C. Capelle op. cit. pp. 117-118. [28] I Corinthiens XI, 7. [29] Thomas d’Aquin Comment. I Corinthiens XI, Ed. Parme, vol. XIII, p. 237 b. cit. in C. Capelle op. cit. p. 123. [30] Jean-Louis Flandrin La vie sexuelle dans l’ancienne société in Sexualités occidentales, ouvrage collectif dirigé par Philippe Ariès et André Béjin, Paris, Seuil, collection Points N° 172. [31] Op. cit. p. 135. [32] Thomas d’Aquin IV, Sent. Dist. 26, 27, 36. Cf. C. Capelle op. cit. pp. 73-74. [33] Philippe Ariès Le mariage indissoluble in Sexualités occidentales, op. cit. p. 164. [34] I Corinthiens, VII, 3-4. [35] Thomas d’Aquin Comment. Mt. Éd. Parme, tome XIII, p. 201 a. Cit. in C. Capelle op. cit. p. 73. [36] Id. IV Sent. dist. 27, qu.1, art.3, sol. 1. Cit. in C. Capelle, op. cit. p. 73. [37] Ibid. 32, qu. 1,art.3. Cit. in C. Capelle, op. cit. p. 77. [38] Éphésiens V, 21-25 ; Colossiens III, 19. [39] Michel Foucault, Histoire de la sexualité, tome 2 L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard 1984, p. 163. [40] Isocrate, Nicoclès, 36 in Discours II, Les Belles Lettres Paris, 1967, p.129. Depuis son accession au pouvoir et non « depuis son mariage » comme l’écrit à tort Foucault (L’usage des plaisirs, op. cit. p. 165). Erreur d’autant plus surprenante que le texte exact d’Isocrate s’accorde beaucoup mieux avec l’interprétation de Foucault que la version erronée que celui-ci en donne. Si en effet la fidélité de Nicoclès remontait à son mariage, on pourrait penser que c’est en tant qu’époux qu’il s’y sent tenu ; mais le texte comme le contexte montrent que c’est en tant qu’homme politique qu’il veut donner à ses concitoyens l’exemple de la justice et de la maîtrise de soi : « j’ai pensé aussi que les rois devaient être supérieurs aux simples citoyens dans la mesure même où les honneurs qu’ils détiennent sont plus grands », poursuit-il (Nicoclès, 38, op. cit. p. 130). Sa fidélité est fondée non sur le sentiment de l’égalité avec l’épouse, mais sur celui de sa supériorité sur les autres hommes. Il est vrai que l’exigence de symétrie semble poindre un peu plus loin lorsqu’il blâme ceux qui « causent de l’affliction à celle de qui ils estiment n’en devoir point subir » (Ibid. 40). Mais la suite montre que c’est au « souverain » que ce blâme s’adresse et la raison invoquée est « qu’ils se réservent ainsi, à l’intérieur de leur palais, des motifs de discorde et de division » (Ibid. 41). [41] Sénèque Lettres à Lucilius 94, 26 ; Musonius Rufus Reliquiae XII ; Plutarque Préceptes conjugaux 44, 144 c-d. [42] Michel Foucault Histoire de la sexualité tome 3 Le souci de soi, Paris, Gallimard, 1984 p. 202. [43] Id. L’usage des plaisirs op. cit. pp. 167-168. [44] Id. Le souci de soi op.cit. pp. 201-202. [45] Catherine Capelle op. cit. p. 84. [46] Philippe Ariès Le mariage indissoluble, art. cit. p. 157 sq. [47] Hincmar De coercendo raptu cit. par Philippe Ariès, op. cit. p. 154. [48] Cf Catherine Capelle, op. cit. p. 87. [49] « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ». [50] Thomas d’Aquin Comment. I Corinthiens op. cit. Lectio 2 p. 203 a. Cit. in C. Capelle, op. cit. p.88. [51] Ibid. [52] Galates III, 28. [53] Hegel, La raison dans l’Histoire, UGE 10/18 pp. 83-84. Cf aussi Encyclopédie § 482. Retour au menu Textes & Articles | Retour au site A vrai dire |
Retour à l'accueil - Atelier philosophique - Le don - Sentences, aphorismes et brèves remarques - Lectures - Visages de la pensée - Liens et contacts