La laïcité est un concept de philosophie politique, il
pose la séparation de lEglise et de lEtat, ce qui veut dire que le droit et
lorganisation de la cité sont possibles sans référence à quelque croyance
religieuse que ce soit, et que les croyances sont dordre privé. Ceci implique la
neutralité de lEtat: il na à imposer aucune forme de croyance ou
dincroyance. Cette neutralité nimplique donc pas que les individus remplacent
une croyance par une autre, mais quils prennent du recul par rapport à leurs
croyances. Autrement dit, la laïcité prend tout son sens dans le projet des Lumières de
faire accéder lhumanité à la majorité, cest-à-dire à
lindépendance à légard de toute tutelle intellectuelle, politique et morale
grâce à lexercice critique de la raison.
Quest-ce que la spiritualité? Doit-elle être assimilée aux croyances
dont un esprit libre, libéré, na plus besoin? Létendue de la question
dépasse de loin le cadre de cette modeste introduction, nous nous en tiendrons à
quelques remarques sur la définition du mot. Létymologie desprit
renvoie au grec pneuma qui désigne le souffle. Le dictionnaire (Petit Robert)
dit de la spiritualité quelle est 1) le caractère de ce qui est spirituel,
indépendant de la matière et 2) lensemble des croyances et pratiques qui
concernent la vie spirituelle.
Doit-on en conclure que toute pratique spirituelle suppose la croyance en
lexistence dun esprit séparé du corps? Cela est peut-être vrai de la
spiritualité chrétienne, mais pas du Bouddhisme Zen par exemple. La définition
ci-dessus nous indique aussi que la spiritualité ne se réduit pas à ladhésion à
une croyance, mais quelle implique une pratique. Les choses se compliquent quand on
tient en compte que certaines de ces pratiques peuvent elles-mêmes consister en la mise
entre parenthèses de toute forme de croyance, concept ou image (méditation)! Il est
dailleurs à noter que les mystiques sont très souvent apparus comme des
hérétiques aux yeux des orthodoxes des divers religions, parce que leur expérience
intérieure les a amené à dépasser les interprétations des théologiens officiels.
Une spiritualité laïque serait-ce alors une spiritualité sans maître?
Mais que serait une spiritualité sans disciple -cest à dire sans la discipline du
travail sur soi?
La spiritualité est associée au retrait du monde; mais la retraite du moine
est avant tout une retraite intérieure, élargissement de lintériorité,
effacement de légocentrisme. Cela est-il forcément incompatible avec une vie dans
le monde?
Et si la spiritualité était dabord de se connaître soi-même comme
esprit, dêtre esprit conscient ici et maintenant sans référence à aucune
croyance, aucune identification?