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La sexualité

  

   La sexualité peut être envisagée premièrement dans sa dimension naturelle ; comme telle, elle constitue un type de comportement très répandu dans le règne animal. La principale question philosophique qui se pose à ce sujet est celle de sa finalité : y a-t-il une fonction naturelle (ou plusieurs) de la sexualité ? La réponse semble évidemment positive, la reproduction étant généralement considérée comme la finalité naturelle de la sexualité. Sans aborder le problème général de la finalité dans la nature (l’opposition philosophique entre finalisme et “mécanisme”), il faut toutefois remarquer que le fait de considérer que la fonction naturelle de la sexualité est la reproduction conduit logiquement à penser que toutes les formes de sexualité impropres à la reproduction, par exemple l’homosexualité, sont littéralement contre nature. Or l’homosexualité est fréquemment présente dans le règne animal (insectes, oiseaux, dauphins…). Chez nos plus proches “cousins”, les singes bonobos, la sexualité joue un rôle social de première importance : elle permet notamment de se réconcilier après un conflit, de tisser des alliances ou simplement d’adresser un “remerciement”. Presque tous les bonobos étant bisexuels, l’homosexualité est fréquente chez eux, et absolument pas contre nature, d’abord parce que les bonobos sont instinctivement et par conséquent naturellement bisexuels, et ensuite parce que cette homosexualité joue un rôle majeur dans la survie de leur espèce. Ne doit-on pas alors conclure premièrement que la sexualité ne se réduit pas, d’un point de vue naturel, à la fonction reproductrice, et deuxièmement qu’il existe un fondement naturel à l’homosexualité ?

   Nous pouvons deuxièmement aborder la sexualité spécifiquement humaine. Celle-ci se distingue de celle des autres animaux par le fait que les hommes s’imposent toujours des prescriptions et des interdits sexuels, au premier rang desquels la prohibition de l’inceste, dont l’anthropologie a montré le caractère fondamental dans la genèse et le développement des sociétés humaines (par la nécessité de l’alliance entre les familles). Hormis cet interdit semble-t-il universel, chaque société édicte dans ce domaine ses propres lois juridiques et préceptes moraux, très variables d’une société à une autre. Par exemple, l’homosexualité était courante et “publique” dans la Grèce antique (mais les pratiques sexuelles devaient refléter une certaine hiérarchie : homme / femme, citoyen / esclave). En revanche, l’homosexualité était et est condamnée et parfois punie de mort dans les sociétés fortement marquées par le judaïsme, le christianisme (voir par exemple dans l’Ancien Testament : Lévitique, 20, 13) ou l’islam. La loi française est depuis de longues années nettement moins restrictive : pour la résumer, on peut dire que toute pratique sexuelle est implicitement autorisée dès lors qu’elle ne concerne que des adultes consentants et qu’elle est “discrète”. L’adultère par exemple n’est plus une infraction en France depuis 1975. Aux États-Unis en revanche, certaines pratiques sexuelles sont toujours interdites dans quelques États, y compris lorsqu’elles sont accomplies en privé et entre époux légitimes et consentants.
   La question se pose alors de savoir quelles sont les justifications de ces lois et préceptes, et comment s’expliquent leur diversité et parfois leurs oppositions. Deux courants s’affrontent ici :

– on peut penser que la sexualité doit relever de la seule sphère privée (à moins bien sûr qu’elle ne soit imposée par la force ou la contrainte, comme dans le viol ou la pédophilie), ce qui est la position de la législation française actuelle ;

on peut au contraire penser que la sexualité, même entre adultes consentants, concerne la société dans son ensemble, voire l’humanité, et par conséquent que ceux entendent diriger la société (les politiques) ou guider l’humanité (les religieux) ont logiquement le droit et même le devoir de prescrire certaines pratiques sexuelles et d’en interdire d’autres, en fonction de leur conception de la nature humaine, des “bonnes moeurs”, de l’ordre social, et ainsi de suite. Dans ce cas, il faut déterminer en quoi la sexualité ne concernerait pas seulement les individus qui s’y adonnent. Autrement dit, qu’est-ce qui peut pousser moralistes, législateurs et théologiens à vouloir régir ce qui, par définition diraient certains, ne les concerne pas ? Peut-être une réponse à cette question se trouve-t-elle dans le fait que, comme la psychanalyse le prétend, la sexualité ne représente pas seulement pour les hommes la seule “activité sexuelle”, mais qu’elle touche plus ou moins clairement à l’être humain dans sa globalité. Il se jouerait donc quelque chose d’essentiel dans la sexualité, mais il reste alors à déterminer quoi…

M.A.

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