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La parole dialogue (2)

   Si nous voulons réellement rencontrer quelqu’un et non pas seulement en rester aux apparences, il semble nécessaire de prendre en considération le contenu de ce qu’il dit, l’approfondir avec lui, même si nous ne sommes pas d’accord au premier abord; il nous faut dialoguer avec lui, sinon nous restons dans l’isolement du “quant à soi”, chacun bien campé sur ses positions, nous croisant à peine autour de quelques paroles distraites.

   Dialoguer avec quelqu’un demande à chacun plus que de la politesse, plus qu’une tolérance passive (qui n’est bien souvent, au fond, que de l’indifférence) et plus que le respect de règles superficielles concernant la communication. Si dialoguer demande que s’instaure un climat de sympathie, cette sympathie ne s’accommode d’aucune complaisance, elle est toute droiture, droiture autant dans ma parole propre qu’à l’égard de la parole de l’autre (et droiture ne veut pas dire raideur). Le dialogue porte en soi une exigence morale, qui ne peut être distinguée de l’exigence de vérité.

   Entamer un dialogue avec quelqu’un, c’est à dire non pas seulement chercher à le persuader, mais accepter de répondre soi-même à ses questions sur ce qu’on a dit et questionner soi-même sur ce qu’il a dit, entamer un tel dialogue avec quelqu’un c’est du même coup reconnaître que cette personne est capable de vérité et de liberté (et être soi-même reconnu comme tel). Quelle est cette liberté? ce n’est pas la liberté arbitraire d’adopter telle ou telle opinion (liberté qui ne s’accorde que rarement avec celle des autres et qui empêche tout dialogue); la liberté sur laquelle ouvre le dialogue est celle de juger simplement de la vérité de ce qui est dit, contre toute pression et impression venue de l’extérieur, liberté d’exercer son jugement au delà de tout conditionnement de classe, de culture, de religion, de sexe, de l’inconscient etc. S’il s’agit de dépasser toutes nos particularités, tout ce qui nous sépare (émotions, opinions etc.) pour réellement dialoguer, c’est dans la perspective d’exercer cette liberté, et seulement cela: il ne s’agit pas de nier émotions et opinions particulières, mais d’en éprouver la vérité grâce au libre examen. Car être capable de vérité, c’est aussi être capable de se remettre en question, et d’éventuellement reconnaître ses erreurs et ses fautes.

   Le dialogue n’est pas la propriété exclusive de la philosophie, au contraire gageons que la philosophie a pour condition le dialogue authentique, avec tout ce qu’il exige de droiture et d’humanité.

Julien Saiman

Adresser un commentaire : gilrich@wanadoo.fr

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