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La parole dialogue (1)

   Ce premier thème n’est pas le premier par hasard, si nous avons pensé qu’il nous fallait commencer cet atelier de philosophie avec le thème du dialogue, c’est parce que la philosophie est née dans le dialogue, et qu’elle y vit dés que l’on se met réellement à dialoguer. Car philosopher c’est assumer pleinement l’exigence du dialogue, c’est à dire toujours veiller à rendre sa pensée communicable.

   C’est peut-être entre autres choses, un besoin de communication réelle qui fait qu’un nombre croissant de personnes se tourne à nouveau aujourd’hui vers la philosophie. Pourtant, l’exigence propre au dialogue -qui est l’exigence philosophique-, si elle peut répondre à notre besoin de communication, le dépasse nécessairement.

   Souvent nous confondons besoin de communication et besoin d’expression. Or, s’exprimer n’est pas communiquer. L’expression ne va que dans un sens et elle est essentiellement émettrice; alors que la communication suppose un aller-retour entre l’émetteur et le récepteur, elle suppose que l’émetteur puisse devenir récepteur et vice versa, c’est à dire que celui qui parle puisse écouter, et que celui qui écoutait puisse parler. Distinguons donc bien la parole-dialogue de la parole-monologue, la première est parole ouverte, parole-écoute, l’autre est parole close. Pourquoi avons-nous besoin de communiquer? Parce que nous avons besoin d’être reconnus, et ce à travers le point de vue que nous défendons -car nous nous identifions à nos prises de position, ce qui nous amène à glisser imperceptiblement du besoin de reconnaissance vers le désir de persuader. La plupart du temps celui à qui nous demandons cette reconnaissance est d’un autre point de vue.

   Or, qu’est-ce que peut valoir pour nous la reconnaissance de quelqu’un qui a un autre point de vue, si nous ne reconnaissons pas de valeur à son point de vue? Aucune, et notre besoin de communication reste entier; car nous sommes trop occupés à nous écouter et à nous persuader nous-même pour pouvoir réellement rencontrer l’autre. Car il me semble que celui qui ne cherche qu’à persuader l’autre, cherche en fait à se persuader d’abord lui-même, sans réellement avoir le souci de l'autre.

   Notre besoin de communication ne peut-être satisfait que si nous nous reconnaissons une règle commune, pas notre besoin de communication ne peut-être satisfait que par le dialogue. Un dialogue n’est pas la somme de 2 monologues, le dialogue est étranger à toute forme de monologue, qu’il y en ait 2 ou 10 d’ailleurs. Car on croit souvent que “dialoguer” veut dire “parler à 2”, or ce n’est pas seulement parler et pas seulement à 2. “Dialogos” en grec= “dia”: à travers, par le biais de... et “logos”: langage, raison; dialoguer veut donc dire passer au delà du point de vue limité de chacun par le biais de l’exigence de clarté du langage, et l’exigence de cohérence de la raison. Le dialogue demande donc que chacun rende sa pensée communicable, c’est à dire rationnelle, cohérente.

toutes les idées ne se valent pas, certaines sont plus profondes, plus rigoureuses que d'autres ; cela => question du lien des idées entre elles

   L’horizon du dialogue n’est donc pas la reconnaissance de l’individu, mais la vérité, ou plus exactement la quête de la vérité. On pourrait au premier abord croire que la quête de la vérité empêche le dialogue, mais au contraire elle en est la condition nécessaire, car sans cet horizon qui dépasse les points de vue particuliers, il n’y aurait pas de dialogue possible, mais que des conflits. La quête de la vérité se trouve en fait seule à pouvoir assurer la reconnaissance de l’individu, en lui permettant d’accéder à la parole authentique. À une parole qui n’est pas seulement la revendication d’une particularité, de tel ou tel trait de caractère, de telle ou telle préférence arbitraire; mais une parole à la première personne, parole qui se risque et qui sait aussi s’effacer.

   Ainsi, prendre en considération ce que dit l’autre, l’approfondir même si on n’est pas d’accord au premier abord, (tout en ne perdant ni le fil de sa pensée ni celui de la réflexion collective) comme nous le conseille J. Salomé, ne représente pas seulement une technique de communication parmi d’autres, mais est aussi une règle de pensée et surtout une morale.

Julien Saiman

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