Quel est le sens
du mot "divin" et quand l'employons-nous? Même ceux qui ne sont pas forcément
religieux ou croyants pourront qualifier de "divin" tel met ou de "divine" telle
musique. "Divin" veut dire dans le langage courant "excellent", "parfait" ou
encore "sublime". C'est ce qui suscite l'adoration ou qui force le respect. Dans
cette ligne, se demander si le divin a encore un sens aujourd'hui, c'est se
demander si nous sommes capables de cette adoration et de ce respect. Et si on
peut voir dans ces sentiments autre chose qu'une aliénation (perte de soi-même
et de la raison).
Mais, bien sûr, "Divin" veut dire au sens littéral: "qui appartient
au(x) dieu(x)". C'est-à-dire que ce qu'on qualifie de divin est censé avoir
quelque chose de la divinité, de la nature même de Dieu. Qu'est-ce qui qualifie
le divin? Cette question nous amène à la redoutable question des attributs de
Dieu sur laquelle les religions ne sont pas d'accord. Notons juste que pour le
judaïsme et l'hindouisme la divinité est au delà de toutes qualifications ou
attributs, c'est-à-dire qu'on ne peut rien dire de Dieu sans le limiter dans
des concepts, à part peut-être qu'il est infini et éternel. Si le divin échappe
aux définitions qui le limitent, n'échappe t-il pas alors aussi aux religions?
Qu'est-ce qui nous fait juger quelque chose de divin? Est-ce le reste
d'un conditionnement culturel et religieux qui nous fait croire en une
perfection que le bon sens a depuis longtemps rangé dans le placard des
illusions? En effet, selon un adage maintes fois répété "la perfection n'existe
pas". La modernité s'est employée a décrocher ces vielles lunes que sont Dieu,
la perfection, la vérité ou le bien (et surtout les valeurs traditionnelles qui
leur sont associées).
Même si nos jugements sont toujours conditionnés par du culturel on
peut s'interroger sur le type d'expérience à l'origine de l'emploi du terme
"divin". L'expérience la plus commune est ici celle d'un plaisir intense et
subtil pris à quelque chose, un plaisir par lequel on est "ravi", emporté hors
de soi-même -c'est le sens littéral du mot "extase". Ces termes sont les mêmes
que ceux qui décrivent l'expérience mystique: le sujet y vit une ouverture de
tout son être et une union avec l'infiniment plus grand que lui. C'est ce que
Romain Rolland appelle dans une formule restée célèbre, le "sentiment
océanique". Doit-on y voir une "régression narcissique" pathologique comme le
fait Freud? La clôture du sujet sur lui-même (et ses névroses) est-il le seul
horizon, la seule normalité à laquelle puisse prétendre l'homme moderne? Le
divin a-t-il encore un sens aujourd'hui?