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La cruauté

Qu’est-ce que la cruauté ? La cruauté peut dans un premier temps être définie comme la tendance à faire souffrir de manière exagérée ou complètement injustifiée : ainsi on ne dira pas d’un juge qui ne fait qu’appliquer la loi en condamnant un meurtrier à une peine de prison qu’il est cruel, bien qu’en toute objectivité sa décision provoque la souffrance du condamné. La cruauté commence donc lorsque la souffrance est volontairement provoquée sans justification. Elle peut donc s’exercer contre tout être capable de souffrir, hommes et bêtes. L’article 521-1 du Code pénal français prévoit d’ailleurs des sanctions pour les « actes de cruauté » envers les animaux, à l’exception notable, selon le même article, des taureaux (dans les corridas) et des coqs (lors de combats organisés) lorsqu’une « tradition ininterrompue » peut être invoquée. Peut-on en conclure que la cruauté est, selon la loi, justifiée par la « tradition » ?

Seul l’être humain est-il cruel ? Le chat qui “joue” avec la souris à moitié morte, par exemple, n’est-il pas cruel ? Si l’on admet que la cruauté suppose l’intention de faire souffrir, ne doit-on pas admettre qu’il s’agit plutôt ici d’un comportement instinctif, donc involontaire, donc sans cruauté ?

Le monde, la nature, le “destin” peuvent-ils être cruels ? On peut bien sûr être tenté de le penser face à certaines personnes sur lesquelles la vie semble s’être acharnée. Mais comme dans l’exemple du chat, on peut se demander si dire que le destin est cruel, ce n’est pas faire preuve de ce que les philosophes appellent un « anthropomorphisme », c’est-à-dire attribuer une caractéristique humaine à quelque chose qui n’est pas humain. Ainsi, dire que le destin a été cruel envers telle personne, c’est faire du destin un être ayant une volonté, des projets, des sentiments…

Mais ne pourrait-on pas dire que la société ou le capitalisme (par exemple) sont cruels ? Peut-être, mais n’est-ce pas là une manière de reporter sur le « système » la responsabilité de la souffrance d’innombrables personnes, au risque d’en exonérer les responsables bien humains, même s’ils ne sont pas toujours facilement identifiables ?

Existe-t-il différentes sortes de cruauté ? On peut distinguer deux grandes catégories :

– la cruauté “pathologique”, qu’on aura tendance à qualifier de maladie mentale ou de déséquilibre psychique. Il s’agit de la cruauté sous ses formes les plus spectaculaires, comme le sadisme sexuel à l’encontre d’une personne non consentante ou les « tortures et actes de barbarie » (selon l’article 222 du Code pénal). Mais si cette cruauté est une maladie, elle est involontaire…

– la cruauté qui revêt une certaine “normalité” sociale, plus discrète et acceptée ou tolérée (ce qui ne signifie bien sûr pas qu’elle soit acceptable). La cruauté mentale du petit (ou grand) chef qui terrorise ou harcèle ses subordonnés, ou la corrida évoquée plus haut, en sont de bons exemples.

Ne sommes-nous pas tous cruels ? Les cours de récréation sont universellement le théâtre de la “cruauté” des enfants, qui se moquent de ceux qui sont “différents” des autres (le grand, le petit, le gros, le maigre, le roux, …). Cela peut conduire, par des effets de groupe connus des psychologues, des enfants a priori “normaux” à avoir des comportements manifestement cruels, ce qui pose d’ailleurs la question de savoir jusqu’à quel point on peut être cruel tout en conservant une certaine forme d’innocence. Il en va de même pour les “bizutages” de toutes sortes (grandes écoles, armée, …) et pour la guerre, occasion de déchaînement d’actes cruels souvent impunis (viols, massacres de civils, …). Par ailleurs, des expériences de psychologie comme celle de Milgram ou de la « prison de Stanford » ont révélé que dans certaines circonstances, la plupart d’entre nous risquons bien de verser dans la cruauté, à moins d’être particulièrement vigilants. Doit-on en conclure que nous avons tous de la cruauté qui sommeille en nous, et qui peut être réveillée dans certaines circonstances ?

Si la cruauté est, sinon naturelle chez l’homme, du moins une tendance à laquelle nulle ne peut prétendre échapper en toutes circonstances, comment la combattre ?

M.A.

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